Jardinage, des merveilles sans pesticides
Jardinage,
des merveilles sans pesticides
Depuis le 1er janvier dernier, les particuliers ne peuvent plus acheter de produits phytosanitaires. Il n’y a pas de quoi s’affoler pour autant, des solutions 100 % naturelles donnent d’excellents résultats. La preuve avec nos reportages, photos à l’appui.
Il est désormais interdit de vendre des produits phytosanitaires au grand public. C’est une excellente nouvelle pour notre santé et l’environnement, mais un épouvantable casse-tête pour de nombreux propriétaires de jardins qui avaient l’habitude de pulvériser insecticides et fongicides, et d’utiliser le Roundup pour faire place nette dès les premiers beaux jours. L’interdiction réglementaire impose de modifier ses pratiques. Car si les produits de traitement bio restent autorisés, en abuser présente beaucoup d’inconvénients. La bouillie bordelaise, par exemple, détruit la vie des sols. De plus, la plupart des insecticides ne sont pas sélectifs, ils tuent autant les insectes utiles que les ravageurs visés. Le savon noir, dont on entend tant de bien, appartient à cette catégorie. Ces produits sont donc incompatibles avec la présence des coccinelles, des syrphes ou des carabes, ou encore des mésanges, des hérissons… Bref, de tous les auxiliaires qui ont une importance cruciale au jardin. Ils y jouent en effet le même rôle que les pesticides en éliminant les nuisibles. Mais il est inutile de les attendre dans un jardin tiré au cordeau, ils ont impérativement besoin de sols vivants et d’une végétation variée. Tant mieux, c’est également tout bénéfice pour les humains. Le jardin potager et les deux jardins d’agrément que nous présentons en témoignent, ils sont cultivés sans une once de pesticides depuis des années.
Un potager florissant
Jean-Marc Muller est vice-président de la Société nationale d’horticulture de France et en charge du pôle Jardiner autrement. À Larchant (Seine-et-Marne), son jardin n’a pas vu de pesticides depuis 30 ans.
« L’infestation la plus facile à combattre, c’est celle qu’on a évitée, assène Jean-Marc Muller. On y parvient avec un ensemble de pratiques, aussi indispensables les unes que les autres. » S’il est difficile de parler de priorités, tant elles sont toutes complémentaires, voici les incontournables.
Aérer le sol, le couvrir et l’enrichir
« Surtout, ne pas retourner le sol, prévient notre jardinier bio. Dès qu’on laboure, on détruit tout ce qui vit dans la terre, toutes les bactéries meurent. Il faut en revanche l’aérer. » Les paillages et le compost sont également d’une importance cruciale, ils l’enrichissent. « À l’automne, poursuit-il, je pose une couche de carton et, par-dessus, 25 cm de feuilles mortes, que je laisse tout l’hiver. Les vers de terre se régalent du carton et désagrègent la couche inférieure de feuilles. Je retire le reste au printemps, ma terre est souple. J’ajoute juste du compost et je peux semer. Je ne laisse jamais de sol nu. Là où je ne paille pas, je fais des cultures intermédiaires, de l’engrais vert. » Il est coupé et laissé en surface au printemps ou légèrement enfoui à la grelinette ou à la binette, sans retourner la terre. Le paillage présente en plus l’avantage de protéger les cultures. Il évite, par exemple, au mildiou qui est dans le sol de ricocher sur les tomates en cas de forte pluie.
Accueillir les auxiliaires
« Il faut tout faire pour accueillir les auxiliaires, car ils remplacent les pesticides en éliminant les prédateurs des cultures, rappelle Jean-Marc. J’ai des coins à orties, les coccinelles s’y reproduisent. Je sème des fèves, qui attirent les pucerons. C’est le premier garde-manger des coccinelles. Ensuite, elles interviennent dès l’apparition de pucerons dans le jardin. Je laisse aussi des tas de feuilles mortes et de bois, des refuges parfaits pour les hérissons. Eux raffolent des escargots et des limaces, ils en protègent mes cultures. Les oiseaux sont aussi des alliés, ma haie d’arbres les attire. Les mésanges se nourrissent de chenilles, y compris celles de la pyrale du buis. J’ai même un lézard vert qui a adopté la serre où je cultive salades et tomates. Il y guette les limaces, et ma serre le protège des prédateurs ! »
Faire des rotations et associer les cultures
La rotation des cultures est une règle de base. « Prenez le mildiou, il vit dans le sol, explique notre expert. Si je refais de la pomme de terre sur les mêmes rangs deux années de suite, l’attaque est certaine. Si j’alterne avec des carottes, je n’ai pas de souci. » Le compagnonnage entre plantes est tout aussi essentiel. « Les ravageurs fonctionnent à l’odorat. En mélangeant les cultures, je les désoriente. J’alterne, par exemple, un rang de poireaux et un autre de carottes, qui se protègent mutuellement, la mouche de la carotte ne supportant pas l’odeur de poireau et vice versa. De même, l’œillet d’Inde fait fuir les nématodes qui détruisent les plants de tomates. » Ajouter des herbes aromatiques aux cultures joue aussi un rôle de protection, leurs parfums désorientant les prédateurs. Y insérer des rangs de fleurs attire les abeilles, les syrphes et d’autres insectes précieux.
Accepter l’imperfection
Le sol impeccable est incompatible avec le jardinage écologique, tout comme le rendement maximal. « Un peu de fouillis convient aux auxiliaires, et 10 % de pertes, ce n’est pas grave », ajoute Jean-Marc Muller, qui a ses recettes pour minimiser les dégâts. En posant des voiles anti-insectes avant qu’ils pondent, en se fiant aux alertes du bulletin de santé du végétal, en préparant des macérations d’ortie et de consoude (qui stimulent les défenses des plantes), de tanaisie, de mélisse et de fougère (qui sont insectifuges), et de la décoction de prêle (efficace contre les maladies causées par des champignons). Les pièges à phéromones sont également utiles, ils attirent les mâles, qui croient reconnaître l’odeur de la femelle. Les insecticides bio, eux, sont rarement sélectifs. Ils doivent être réservés aux fortes infestations… peu courantes dans un jardin écologique !
Un Éden végétal
Une bande en herbe de 12 m de large sur 90 m de long aux environs de Lille (Nord). Brigitte Vanpoperinghe l’a transformée en paradis pour les plantes et les animaux sans user de pesticides…
À Wavrin (Nord), à quelques encablures de Lille, Brigitte Vanpoperinghe a transformé son bout de prairie en jardin paradisiaque, composé d’une végétation luxuriante et de massifs colorés, que l’on découvre peu à peu au fil des sentiers qui les traversent. En passant des uns aux autres, nul ne peut imaginer que la propriétaire est partie d’une longue bande de terre. « J’ai commencé par planter des arbres pour m’isoler des voisins, ça allait de soi, explique Brigitte. Ensuite, j’ai travaillé en dessous, en mélangeant de nombreuses variétés de plantes aux espèces sauvages qui poussaient déjà là. J’adore les fleurs et, si j’ai créé des sentiers, c’était d’abord pour les approcher, les humer. Je privilégie toujours les espèces qui fleurissent, virent au vert, puis se colorent en automne. Le jardin est lumineux toute l’année. Comme tout était en longueur, j’ai cassé les perspectives en faisant serpenter les sentiers autour des massifs et en créant des pergolas pour mes rosiers et mes clématites. »
Oiseaux, insectes et autres
Membre de l’association Jardins passions du Nord-Pas-de-Calais, qui prône le jardinage au naturel, la propriétaire n’a pas envisagé une seconde d’utiliser des pesticides. Au contraire, elle a tout fait pour attirer un maximum d’auxiliaires, oiseaux, insectes et autres. Elle a installé deux bassines avec une plante aquatique au milieu. Les grenouilles les ont adoptées et se délectent des limaces du jardin. Elle a dispersé des petits pots renversés. Les perce-oreilles qui y logent mangent les pucerons. Elle a créé des coins à orties. Les coccinelles s’y reproduisent et beaucoup d’autres insectes y vivent. Elle a aménagé des petits points d’eau et des nichoirs pour les oiseaux, ainsi que des gîtes à insectes. Côté végétal, Brigitte a planté de la consoude, qui couvre bien l’espace et attire les insectes. Elle lui sert ensuite d’engrais. Quant au maceron, il pousse aussi très bien, et les auxiliaires l’adorent. Sans oublier les tas de bois entassés dans les coins pour les hérissons. Ces derniers le lui rendent bien en mangeant limaces et escargots.
Il y a de la vie
« Si j’ai tant d’auxiliaires qui font le travail des traitements, souligne-t-elle, c’est parce que mon jardin est vivant, accueillant et riche en biodiversité. Je l’ai créé pour nous, mais je suis heureuse d’en héberger autant. Quand mes rosiers subissent une attaque de pucerons, je ne m’inquiète pas, ils sont dévorés en quelques jours. J’ai également des plantes mellifères, les abeilles solitaires les aiment tant qu’on leur a fabriqué un hôtel. Elles s’y reproduisent et pollinisent le jardin. Un conseil : il faut commencer par le compost, c’est lui qui enrichit la terre. J’en mets à l’automne et au printemps, on ne peut rien réussir sans lui, il nourrit les plantes. Et puis le jardin sans pesticides est une école de la patience. J’ai des plantes qui ont fait le tour du jardin avant d’être à la bonne place, d’autres qui ne se sont jamais adaptées, il ne faut pas s’obstiner. »
Un écrin de verdure
Au cœur de Pont-à-Mousson, en Meurthe-et-Moselle, le terrain de 400 m2 aurait pu devenir un jardin de ville classique. Mais Régine Nowak a eu à cœur d’en faire un joyau de verdure, de fleurs, de légumes et de fruits, avec des méthodes 100 % naturelles.
Dans une autre vie et un autre pavillon, elle se rendait régulièrement à la déchetterie pour y déposer les feuilles mortes, les branchages et autres tontes de pelouse. Mais depuis que Régine Nowak et son mari se sont installés dans leur nouvelle maison de Pont-à-Mousson, c’est du passé. « Je composte, je broie, je paille, tout reste au jardin et le nourrit », déclare-t-elle avec un large sourire, manifestement satisfaite de ses pratiques de jardinage écologique.
Tout a été pensé
Rien n’a été planté au hasard. La terrasse du séjour, exposée plein sud, est protégée par une rangée de cerisiers reverchon, burlat et napoléon. Rien qu’à leurs noms, on a déjà l’eau à la bouche. En plus, ils font de l’ombre en été, tout en laissant entrer le soleil l’hiver, c’est idéal. Il n’y a pas de thuyas dans le jardin des Nowak. Les haies sont colorées et font le délice des yeux, mais aussi des oiseaux et des abeilles. Les fleurs poussent sous les arbres fruitiers, ce qui attire les butineurs. Pas le moindre centimètre de terre à nu, tout est paillé, les groseilliers et les framboisiers à portée de terrasse tout autant que les massifs, les pieds d’arbres et les bords de haies. La variété des plantes est impressionnante, les nombreuses aromatiques se mêlant aux légumes et aux plates-bandes de fleurs et d’arbustes.
Ça tourne !
Quant au potager, Régine Nowak y pratique la rotation et l’association de cultures, pour éviter maladies et prédateurs. Elle concasse même des coquilles d’œufs et de noix, afin de réaliser des barrières antilimaces et antiescargots. Mais, en général, les lézards et les orvets qui peuplent le jardin s’en chargent. Des nichoirs et des hôtels à insectes fabriqués dans de petits rondins parsèment l’espace, tout comme les tas de bois qui offrent des abris à tous les auxiliaires qui traquent les ravageurs. Évidemment, Régine prend quelques précautions : elle pose un voile sur les semis et les salades, ensache les fruits afin qu’ils mûrissent sur l’arbre sans être abîmés, utilise des pièges à phéromones pour protéger ses mirabelliers des carpocapses, réalise des purins d’ortie et des décoctions de prêle qui renforcent la résistance des plantes. Et puis, elle paille et met du compost chaque automne et chaque printemps. « Je n’y connaissais rien, je suis partie de zéro, avoue notre propriétaire, mais c’est presque mieux. Je n’avais pas de mauvaises habitudes. Je me suis documentée, j’ai visité des jardins, fait un stage en bio et me suis prise de passion pour mon jardin. » Avec un résultat tellement réussi qu’elle a été lauréate du concours Jardiner autrement en 2018.
Date de dernière mise à jour : 31/05/2019